Le témoignage d'un Alsacien expatrié à Hong Kong Gilles Meyer : « Ne pas se mélanger est un acte collectif » Gilles Meyer (32 ans) a gardé le but de nombreux clubs alsaciens (Erstein, FAIG, Racing, Vauban, Sarre-Union, Biesheim et Reipertswiller), vit depuis février 2017 à Hong Kong avec sa compagne Bonnie. Cette région administrative de Chine traverse la crise du Covid-19 avec sagesse et discipline.
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- Avec l’apparition du virus en Chine, quelle a été la réaction à Hong Kong ?
Les deux premiers cas de Coronavirus y ont été officialisés le 23 janvier, deux jours avant le nouvel an chinois. Le 29, on dénombrait dix cas. Le gouvernement a alors décidé de fermer tous les espaces publics et les écoles jusqu’à nouvel ordre, les étudiants étant alors en vacances.
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- Comment cela s’est-il passé ?
Le gouvernement n’a pas exigé un confinement comme en France. Il a accéléré la fermeture de ses différents espaces publics (parcs, stades, piscines, bibliothèques, etc..), des écoles, garderies et universités. Les entreprises qui pouvaient se le permettre ont vite laissé les gens à la maison avec le développement du télétravail, se rangeant derrière les décisions du gouvernement.
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- On ne sent pas de panique dans vos propos…
Les Hongkongais étaient prêts à surmonter une nouvelle épidémie après avoir connu le SRAS dans les années 2000 et une grippe aviaire en 2008.
Durant tout le mois de février, les gens sortaient le moins possible, portaient des masques et des gants quand ils devaient mettre le pied dehors. Les rues étaient vides.
Les transports publics ont toujours continué à fonctionner, mais ils sont continuellement désinfectés comme les rampes d’escaliers, les poignées de portes, les boutons d’ascenseurs, etc.
Aussi, du liquide hydroalcoolique est placé dans les lieux publics et privés et des contrôles de température sont effectués à l’entrée de la plupart des buildings.
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- Aviez-vous le droit de sortir pour vous détendre ?
Les restaurants, bars, discothèques ont toujours continué à être ouverts pour la plupart, mais peu de monde y allait. D’où, beaucoup de cessations d’activité.
« Il vaut mieux porter un masque une fois dehors pour éviter un regard de travers »
Les écoles sont fermées jusqu’à Pâques, les étudiants ont des cours en ligne quotidiens en visioconférence avec leurs professeurs. Les espaces publics sont rouverts pour certaines “activités”
(course à pied par exemple) depuis deux semaines maintenant.
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- Et ça fonctionne ?
Il n’y a pas d’amendes distribuées. Ici, les gens sont disciplinés et responsables, ne veulent plus connaître une nouvelle épidémie. Avec Bonnie
(sa compagne) , on a suivi le mouvement, tout se passe assez bien.
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- Quels sont les gestes simples devenus obligatoires ?
On se lave beaucoup les mains et il vaut mieux porter un masque une fois dehors pour éviter un regard de travers ou prendre une remarque.
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- Et votre travail ?
Étant entraîneur de foot, j’ai tout cessé pendant le mois de février. Mon club privé
(il appartient à une compagnie) est allé dans la même direction que le gouvernement : suspension de tous les entraînements pour limiter les risques.
Nous avons repris l’entraînement avec les enfants dès la première semaine de mars, en élargissant les espaces entre chaque séance pour éviter les contacts entre les différentes équipes.
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- Et votre championnat a repris ?
Non, mon équipe Wing Yee utilisant des espaces publics toujours fermés, le championnat est à l’arrêt depuis la fin du mois de janvier.
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- Quel était votre quotidien pendant la période la plus critique ?
Même si nous en avions le droit, on faisait le moins de sorties possible en février. On allait à la montagne pour croiser moins de monde.
Bonnie, elle, travaillait depuis la maison, mais est retournée au bureau depuis le début du mois de mars.
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- Et la population ?
Franchement, ç’a été calme malgré quelques péripéties avec le… papier toilette. Elle est préparée à ça.
« Ici, comme il n’y a pas de protection sociale, les gens sont naturellement solidaires »
Comme il n’y a pas de protection sociale à Hong Kong, les gens sont naturellement solidaires. Les riches aident les plus faibles. Ainsi, le président de mon club de foot a acheté 48 000 masques au Vietnam pour ensuite les distribuer aux personnes âgées, dans différents quartiers.
Le business a chuté, mais tout le monde fait des efforts, comme l’État qui a versé une prime de 10 000 HKD
(1 170 euros) à chaque permanent résident. Nous ne le sommes pas, mais ce n’est pas grave.
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- Cela semble une gestion de crise idéale ?
On a juste eu un couac début février. Les cas augmentaient et les frontières avec la Chine n’étaient toujours pas fermées. Le personnel hospitalier avait pris la décision de faire grève un matin… En moins d’une heure, les frontières étaient toutes fermées à l’exception d’une seule, Shenzhen Bay, mais avec un filtrage ultra-contrôlé. Les trains et vols de et vers la Chine ont été également tous annulés depuis.
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- Parlez-nous à nouveau du port du masque…
Pour un Occidental, c’est vraiment inhabituel. Mais en arrivant en Asie, j’ai compris son importance, éviter de propager ses propres microbes et de contaminer les autres si on est malade. Je le pense super important, surtout pour ce virus qui ne peut être détecté que quatorze jours après l’avoir contracté.
Il en existe différents types, mais porter rien que le plus basique est déjà très bien. Portez-en un !
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- Et le conseil le plus simple ?
C’est de rester tranquillement chez soi et de ne pas se mélanger avec les autres. C’est paradoxal, mais c’est vraiment un acte collectif.
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- Comment percevez-vous la situation en France ?
Le pays se pensait intouchable, même si je répétais à certains amis que ça leur tomberait dessus. Vu d’ici, il est difficile de comprendre et d’admettre que l’Europe et la France n’aient pas été prêts à temps. Il faut désormais suivre le processus à la lettre, en espérant le moins de dégâts possible. Être solidaires, responsables et disciplinés.
Quand tu lis et vois ce qu’il se passe actuellement en Alsace, franchement ça fait flipper. En sachant que ma famille proche et mes amis sont tous là-bas. On s’écrit tous les jours pour prendre des nouvelles.
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- Une dernière petite idée ?
Il faut montrer qu’on est vraiment en guerre. La première personne qui donne l’exemple à Hong Kong, c’est notre chef exécutif, Carrie Lam.
En conférence de presse, elle porte un masque, dans la rue, elle le porte aussi. Les membres de son gouvernement le portent tous, les journalistes à la télévision le portent également pendant le JT. Les gens ont besoin d’exemples.
Le chiffre
167
Hong Kong compte près de 7,5 millions d’habitants (6 700 au mètre carré), soit l’une des densités de population les plus élevées au monde. Les dernières données faisaient état de 167 cas et de 4 décès.
dna